Le vent dans les cheveux et des larmes pleins les yeux
Tout se bouscule, tout s'enchaîne, l'impression de ne plus maîtriser les éléments d'être la victime impuissante d'un bourreau malfaisant. Partiels, entretiens d'embauche, rapport de stage, examen d'entrée pour une école de journalisme, festival de Cannes et lui qui part en stage, qui vient de se faire virer, ce qui signifie qu'on ne vivra plus ensemble l'année prochaine. Rien qu'à cette idée, je déprime. Il est devenu moi, je suis devenue lui. Comme l'impossibilité de résister à ce qui nous arrive.
Je ne sais plus ce que je dis, j'ai froid et j'ai peur. Peur de la suite, peur de l'avenir. Peur de grandir, de faire des choix, de tourner des pages.
J'suis pas bien, ça fait longtemps, nostalgique d'un temps qui ne reviendra plus où l'insouciance faisait que je vivais heureuse.
Pédaler dans le grand domaine que les parents de ma meilleure amie possédaient, grimper aux sommets de chênes avec la sensation de dominer un petit monde, les balançoires et le bassin où on se baignait l'été, la cabane aux jouets et aux histoires, la vieille maison de la folle au bout du chemin. Emmanuelle, on avait un an d'écart, unies comme les doigts d'une main. Je ne la vois plus, je le regrette. L'envie d'avoir des ami(e)s comme j'avais avant, à la vie à la mort, pour m'amuser et me sentir vivre, boire et danser. Me vider l'esprit, m'oublier et oublier que bientôt j'vais être une adulte sans mon consentement.
Peur de faire les mauvais choix et de pas pouvoir revenir en arrière. Marre de voir tout flou. Je sens que je vais tout foiré. Certainement de façon inconsciente, pour reculer l'écheance d'un passage d'étudiante à autre chose. Le ventre noué, les yeux cernés, je ne veux plus avancer, pousser le bouton Stop et tout fixer à aujourd'hui.
J'suis qu'une enfant qui veut rester là.