J’ai allumé mon téléphone parce que je sentais qu’elle allait m’appeler. Et qu'elle allait m'appeler uniquement pour ça. Je ne voulais pas avoir un message sur mon répondeur où elle me dirait qu’il était mort, je voulais l’entendre.
C’est fou comme j’ai su en me réveillant que je devais brancher ce putain de téléphone. Tout arrive par lui.
Comme je savais ce qu’elle allait me dire, j’ai pas vraiment réagi…
Mon oncle, enfin techniquement c’était mon grand-oncle, mais l’appellation ici, n’a pas besoin d’être justifiée.
Il n’allait pas vraiment bien en ce moment.
J’ai pleuré. Un peu. Sur les souvenirs.
Ça faisait quelque temps que je ne l’avais pas vu. Avec ma vie à Nice, eux qui se laissaient croupir… je regrette de ne pas y être allée.
J’ai repensé à avant, quand ils avaient encore leurs têtes, quand ils étaient encore vivants. Vraiment vivants.
J’ai repensé à ma naissance et au fait qu’ils – lui et sa femme – voyaient en moi le messie, la renaissance. J’ai repensé à leur fils mort un an avant que j’arrive, aux circonstances, aux photos de lui qu’ils y avaient partout chez eux et qu’elle embrassait dès qu’elle passait devant. Je crois qu’ils sont malheureux depuis ce jour.
J’ai repensé à chaque semaine où il m’apportait un conte avec la cassette audio rouge et jaune qui allait avec. C’est comme ça que j’ai connu La reine des neiges, le magicien d’oz, et tellement d’autres encore, plus de 20…
Les mêmes repas à chaque fois, les glaces et le jardin, mon dessin éternellement accroché sur une porte, l’immense trousseau de clés et les fraises des bois cachées dans les recoins de la rocaille.
Je n’ai pas pleuré sur l’absence. Un peu, si. Parce que j’ai pensé à sa femme, seule survivante. Je la vois perdue et abattue, sans l’homme qui vivait avec elle depuis 40 ans, depuis beaucoup plus même.
Je ne crois pas qu’il me manquera trop mais ça fait comme un vide, un bout de mon enfance qui s’est détaché, un bout de quand j’étais petite.
Je suis triste mais je ne pleure pas.