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Revoir un Printemps
20 mai 2012

A la lueur de nos amours

 DerouilleetdosJe me sens presque comme si mon âme était détachée de mon corps. Je sens les cernes s'installer sous mes yeux, grandissants. Le sommeil ne me répare plus, je me réveille fatiguée. Je me sens vidée, de toutes substances. Entre les bruits du dessus et les cris du dessous, j'ai de plus en plus de mal à me sentir bien, chez moi. J'ai très fort l'envie de déménager et de m'éloigner de toutes ces vies, de tous ces gens trop prêts, ces étrangers qui vivent si proche de moi et qui n'ont pas de limites. 
D'autant plus que le contexte autour n'est pas très reposant non plus. La tumeur de mon grand-père, après 6 mois de traitement n'a pas réduit. On ne nous dit rien. Ou on ne me dit rien. J'hésite. Je me fixe des barrières pour ne pas me laisser submerger par une immense tristesse. Je frôle l'indifférence, j'ai envie d'être en colère. Contre lui, qui ne se bat pas, qui ne lutte pas. Je n'ai plus envie d'aller le voir, je me sens affreusement mal, terriblement coupable d'écrire une chose pareille, mais c'est la vérité. La dernière fois, en 20 minutes, il a répété 12 fois qu'il avait mal. Je ne sais que répondre, que dire. Les médecins disent c'est normal. Je ne sous-estime pas la douleur  mais je regrette l'absence de combattivité. Je suis peut-être injuste, méchante aurait dit ma mère. Depuis toujours mes grands-parents se complaisent dans la maladie, les douleurs, les docteurs. Ils ont la migraine, ils vont aux urgences. Ils ont une bronchite, ils appellent les pompiers. Leur rapport à la maladie a toujours été extrême, et depuis que la maladie elle-même est devenue extrême, leur négociation de celle-ci est surextrême. Décuplée. Multipliée. Je ne sais pas gérer ces comportements, je les ai toujours détestés. Ces attitudes complaisantes, moribondes, viciées qui sentent la morphine et la fin. 
C'est la tempête dehors, dedans. Des dissensions avec ma mère apparaissent, dans un spirale dépressive intense. Ma soeur me parle toujours comme si j'étais une débile profonde "bah tu sais il faut bien 20 minutes pour aller au cinéma" "tu sais l'eau si elle reste trop longtemps dans le plastique, elle n'est plus bonne à la consommation". Sur un ton affligeant, genre t'es une demeurée de littéraire et moi je fais physique-chimie. Mon cousin collant collée à sa maman et qui n'a pas le courage de vivre seul, son oedipe ne s'est jamais terminé.
Je n'arrive pas à préparer mon voyage, je suis impatiente de partir tout en me disant que ça ne résoudra rien. Je n'arrive pas à être excitée. Je ne me sens pas sereine. J'ai pleuré car personne ne m'aidait pour savoir comment changer l'argent avant de partir, ni combien je devais prendre. J'ai pleuré pour ça. Et encore je ne pense même pas à mon chat, sinon je m'effondre. Limite du burn out presque atteinte. Plus de recul, plus de distance, les émotions me submergent, me prennent, m'embrassent, m'enlacent.

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Commentaires
D
il y a des personnes qui se servent de la maladie pour qu'on s'occupe d'eux, qu'on les plaignent etc maintenant ton grand père doit vraiment souffrir et puis il y a un âge où on n'a plus envie de se battre. Avoir un cancer a 30 ans n'est pas la même chose qu'à 70 ou 80 ans ou quoi qu'on dise la vie est derrière soit.<br /> <br /> Profites bien de ton voyage pour te changer les idées et peut être arriver à prendre des décisions comme déménager. Courage gros bisous
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K
Je comprends ton "malaise" avec ton grand-père. C'est difficile de savoir quoi dire, quoi faire, quand on voit ceut que l'on aime souffrir.. Courage Zofia, je suis de tout coeur avec toi.
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N
Souvent quand y a un truc grave, il vient pas seul. Ou en fait, c'est plutôt qu'on dramatise le reste parce qu'au final, tout parait vite très absurde quand on est pas bien. Et injuste, du coup. <br /> <br /> Je ne saurais pas quoi te conseiller pour ton grand-père, je ne pense pas que ça soit mon rôle de toute façon, j'ai pas réellement assez d'expérience pour ça. Ma grand-mère est morte il y a quelques années, mais je ne sais pas ce qu'elle avait et on ne m'a pas laissé la voir les derniers mois. Je ne la connaissais pas bien et elle ne parlait même pas français, mais parfois je me dis que j'aurais peut-être du profiter davantage.<br /> <br /> Pour le reste, courage. Les voyages ça peut sembler déstabilisant, mais je pense qu'avec tout ça, ça ne pourra que te soulager un peu.
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D
Je suis assez d'accord : il en a peut-être marre de se battre, il doit avoir envie de lâcher la rampe. Il peut avoir un "sursaut" de vie... ou pas. Tout dépend des cas. Demande-lui s'il parle aux médecins de sa douleur, et si oui, s'ils font ce qu'il faut pour la soulager. Mes seules références en matière de médecine c'est Docteur House, mais n'y a-t-il pas un stade où si on met plus de morphine, ça devient mortel ?<br /> <br /> <br /> <br /> Pour l'argent tu as des bureaux de change un peu partout, voire auprès de certaines banques. Moi aussi quand je suis partie en Ecosse en 2010 je me suis démerdée toute seule ;)
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L
J'ai perdu mon père suite à un cancer et cette période m'a permis de comprendre deux choses.<br /> <br /> Nul ne peut blâmer le malade de renoncer à combattre, la lutte est trop inégale et, excuse moi si ça fait mal à entendre, quasiment perdue d'avance. Sans parler de la douleur qui dépasse tout ce que l'on peut imaginer (j'ai longuement discuté avec notre médecin de famille qui m'a ouvert les yeux sur cette réalité).<br /> <br /> Ne fais pas la même connerie que moi : ne t'éloigne pas de ton grand-père parce que tu as peur de sa souffrance ; au contraire c'est maintenant qu'il a besoin de sentir sa famille autour de lui même s'il n'est pas forcément conscient. Dis lui tout ce que tu as sur le coeur, tout ce que tu ne lui a jamais dit... Ca t'éviteras de traîner la lâcheté et la culpabilité au fil des ans (ça fait plus de 10 ans que mon père est mort mais parfois quand je me regarde dans le miroir j'ai encore envie de me foutre des baffes).
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