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Revoir un Printemps
8 avril 2014

Trou Noir

Une fois qu'on s'est balancé par la fenêtre, il n'y a plus de problèmes.
Depuis une semaine, je repousse les vagues d'angoisse qui sont avides de me submerger. Craquer deux fois, minimum. Aujourd'hui, c'est l'affluence, la défaite.
Une semaine que j'ai eu une conversation avec un conseiller spécialisé dans la création et la reprise d'entreprises. Une semaine qu'il m'a dit qu'un public de particuliers était trop peu important, que les prestations bureautique/internet étaient insuffisantes et ne permettaient pas d'envisager la viabilité de mon entreprise sur du long terme, qu'une auto-entreprise comme la mienne ne propose pas assez de valeur ajouté. Qu'il fallait que je cible les professionnels – genre atelier pendant un CE – qu'il fallait que je me démarque en faisant mieux sur un truc précis qui permettrait de créer une différence.
Pour finir, il m'a dit qu'à son avis, il était préférable que j'investisse dans un vrai métier...

Malheureusement, ça n'a été qu'une moitié de surprise. Avec ma sœur qui me dit que je me gâche à faire des boulots de merde qui ne sont pas à ma hauteur et mon copain qui m'a également dit que je ferais mieux de chercher un vrai travail, j'avoue avoir été bien préparée. Ce n'est pas non plus une surprise car j'ai moi-même déjà réfléchi à cette situation. À savoir que, certains mois, le manque de clients est problématique, que pour cela je fais de la rédaction web en rémunération d'appoint en plus de la vente à domicile. À savoir que oui, j'aimerais avoir un salaire fixe par mois, que j'aimerais ne plus me réveiller la nuit perturbée par tous ces soucis. J'aimerais que ma situation financière comme personnelle s'améliore. Je vois les autres avancer, bouger avec la désagréable sensation déjà ressentie plus d'une fois que moi, je reste collée au sol. Je vois les autres se marier (une amie d'enfance et un copain de mon homme), je vois des personnes de mon entourage avoir des enfants (une naissance l'an dernier, une naissance y a même pas un mois, une cousine enceinte). Je me sens tellement vieille parfois quand je me rends compte que pour, il ne se passe rien.
Je ne veux pas forcément avoir des enfants maintenant, mais si aujourd'hui je tombais enceinte, je ne réfléchirais pas trop sur la décision à prendre. Simplement, parce que ma situation financière ne me permet pas d'accueillir un bébé dans des bonne conditions. Un congé maternité en auto-entrepreneur ça donne quoi ? Pas grand chose, j'en ai peur. Comme un arrêt maladie d'ailleurs ou une invalidité de travail. J'aimerais être dans une position où je pourrais choisir si jamais cela arrivait. Je voudrais pouvoir me dire « oui c'est bon j'en ai envie, je peux accueillir un enfant, je peux l'élever, le nourrir, mettre des sous de côté pour ses études, pour son futur » ou « non je pourrais le garder mais je ne le souhaite pas ».
Je voudrais avoir le choix.

Il est clair que ce n'est pas le cas. Ça me rend profondément triste. Je voudrais aussi pouvoir louer un appartement si jamais je devais me séparer de mon copain. Je ne le veux pas mais on ne sait jamais vraiment ce qui se passera dans un an, dans cinq ans, dans dix ans. Si demain, je veux louer quelque chose, je ne pourrais pas. Des fiches de salaires trop faibles, une auto-entreprise, aucune agence ne fera d'efforts pour moi. Je ne veux pas retourner vivre chez mes parents à 35 ans. Depuis une semaine, j'ai beaucoup pleuré. Je n'en ai pas vraiment parler autour de moi, à mon homme oui et à ma mère, uniquement parce qu'elle m'a posé la question. Je n'avais pas envie de lui dire car je savais très bien comment ça se passerait ensuite. Ce qui n'a pas manqué d'arriver. Elle s'inquiète, du coup elle réfléchit à ma place de ce que je pourrais faire. Mon homme aussi. Il dit que je suis capable de faire n'importe quel travail de bureau, que je saurais sans problème faire des plannings et du secrétariat. Ma mère pense que je pourrais travailler dans une des grosses parfumeries de la région, aux archives, à l'achat. Elle a déjà parlé de moi à une connaissance à qui je dois faire passer un CV. Je me sens aspirée dans un trou noir. Personne ne veut comprendre que je n'ai certainement pas les compétences pour faire de l'import/export, personne non plus ne veut entendre quand je dis que j'ai pas envie de faire un métier où je vais me faire chier toute la journée. Pour être totalement honnête, je n'ai pas envie de travailler dans une boîte. T'as un salaire fixe certes mais t'auras aussi des collègues qui te détesteront, t'auras un milieu pourri tous les jours pour bosser, t'auras un chef qui te mettra la pression et des objectifs à remplir. Des choses à assurer. Je n'ai pas envie de l'un, je ne me sens pas capable de faire le dernier.
Je n'ai pas envie de passer 35 heures par semaine à faire quelque chose qui ne me plaira pas. Je suis malade à l'idée de passer ma vie dans une salle d'archives à classer des papiers ou à me retrouver devant un téléphone pour contacter un client en langue anglaise. Malade, tu parles, mortifiée oui !
J'aurais voulu travailler à la culture, au patrimoine, au rayonnement de la ville, dans un musée ou une bibliothèque. J'aurais voulu être psy ou juge, journaliste ou écrivain. Je sais que j'ai de la chance de ne pas être obligée de faire le premier truc qui me passe sous la main, car malgé je gagne un peu de sous chaque mois et j'ai la chance de n'avoir que peu de dépenses aussi.

Mes années de recherche sans aucun résultat, avec un seul entretien, ne me donnent pas confiance en moi. Je me dis que si, à l'époque, personne ne m'a contacté pour me recevoir c'est bien parce qu'il y avait une raison. Parce que mon profil était inintéressant, probablement pas assez d'expériences, de diplômes voire les deux. Je n'ai pas envie de repartir dans les affres de la recherche d'emploi, ressentir le mépris des lettres de refus, la suffisance des DRH, la haine des collègues qui pensent que tu vas leur piquer leur place.
C'est sûr qu'un salaire fixe, même de 1 000 €, me permettrait d'envisager l'avenir sous un angle plus positif, je me poserais moins de questions.
Je ne sais pas quoi faire. Est-ce que je cherche tout et n'importe quoi ? Est-ce que je souhaite faire du secrétariat et des plannings après mes 4 années d'étude ? Est-ce que je souhaite travailler coûte que coûte ? Est-ce que je peux faire la fine bouche et ne pas postuler à des jobs qui ne m'intéressent pas ou pour lesquels je n'ai pas de compétences ? Est-ce que je prends ce qui se présente et je réfléchirais après à savoir si je saurais faire ou si j'aimerais ça ? Est-ce qu'il est encore possible dans le monde actuel de faire un boulot qu'on aime ? Est-ce que je dois fermer ma gueule et me ranger à l'avis général ? Rien qu'à cette idée, une boule à l'intérieur de moi se met à hurler qu'elle ne supportera pas de faire quelque chose qu'elle n'aime pas. Est-ce que je dois tout faire pour que cette boule au cœur de moi, cette énergie, ferme sa gueule et se soumette ? Est-ce que je m'oublie, jusqu'à disparaître pour un SMIC par mois ?

Et vous qu'est-ce que vous faites ? votre profession, votre formation ? vos envies ont-elles disparues dans le vide sidéral du gagner sa vie ? vous aimez votre boulot, vos collègues ?

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Commentaires
Z
Merci beaucoup pour tous vos commentaires et retours, ça fait chaud au cœur :-)<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai passé une semaine difficile dont deux jours vraiment très très mal, maintenant je vais un peu mieux enfin si je ne me mets pas à réfléchir à mon avenir professionnel !! <br /> <br /> Je vais revenir sur vos réponses dans un autre commentaire voire carrément dans un article car le sujet me semble loin d'être épuisé...
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D
Je suis comme Daswn j'ai fait un DUT carrières juridiques dans le but d'être flic malheureusement ma myopie ne s'est pas arrangée et je ne pouvais plus passer le concours. Après avoir galéré pendant un an ou je n'avais pas asse d'expérience, pas assez diplome, un niveau d'anglais trop faible, je suis partie un an fille au pair à Londres. Malheureusement en rentrant, le marché de l'emploi ne s'était pas arrangé, j'ai encore fait de l'interim en 2x8 dans une usine. Je me suis tournée vers l’hôtellerie. Métier intéressant mais mal payé et ou on fait 80 heures voir plus par semaine. Quand finalement j'ai eu plus envie de taper sur un client que de rendre service, j'ai changé de boulot. J'ai bossé ensuite pendant plus de 10 ans dans un institut de marketing comme assistante de direction. J'ai beaucoup aimé mon boulot, c'était intéressant, j'ai eu des collègues sympas, deux boss très différents. Puis ils sont partis en retraite et je suis auto entrepreneuse pour deux cabinets de recrutement. C'est sure que j'aimerai mieux être salariée pour avoir les congés payés et avoir plus de sécurité au niveau du boulot mais j'aime ce que je fais. Je ne serai jamais un grand flic de la criminelle mais bon chaque boulot a des bons et des mauvais côté. Côté collègue, tu peux avoir des bons et des mauvais collègues comme à l'école où on a des bons et des mauvais camarades. Il faut voir aussi si tu supportes ou pas d'avoir un patron. Il faut savoir aussi pour quel secteur on est fait. Perso, je sais par exemple que je ne pourrai pas bosser dans le domaine médical.
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M
Ici aussi, parcours en dent de scie total. Diplomee en 2008, je viens juste de finir par reussir in extremis un concours pour faire un metier qui m interesse, donc entre temps 6 ans de zig-zag, de retours arrieres, de grand n'importe quoi parfois, de compte en banque maigrichon (mais ca, ca va pas s'arranger dans le futur donc bon), de formations complementaires n ayant en fait rien a voir et inutiles, pendant que pas mal de mes amies (mais d'autres sont comme toi et moi), se sont installees dans leur job, se sont mariees pour certaines, commencent a avoir des mioches, une maison et tutti quanti...Les lecons que je tireraient de ces 6 annes (si j arrive a en tirer quoi que ce soit), c'est de ne pas rester seule face au marche de l'emploi (en tout cas salarie, pour les auto-entrepreneurs, je ne sais pas du tout), pour ne pas se devaloriser et croire qu on va etre croquee toute crue et ne jamais rien trouver d'interessant pour soi, ou au minimum d'acceptable pour un temps.<br /> <br /> Je pense aussi que a un moment donne, il faut faire un tri dans ses envies de metier, pour ne pas s epuiser dans 40 voies a la fois (jusqua cette annee encore, je me disais que je passerais bien les concours d'infirmiere alors que je sais pertinement que je ne peux pas me retaper 3 ans d'etudes). Il y a des desirs sur lesquels malheureusement, il faut faire une croix a un moment donne (mais pas tous !) et reussir a identifier celui qui vraiment nous est incontournable. Et comme le disent les autres commentateurs, oui, un job salarie, meme un peu relou, ca peut laisser du temps et une securite materielle pour reprendre une formation, passer un concours ou continuer son projet a cote...<br /> <br /> Et je suis d'accord aussi que voir d'autres gens, meme si certaines sont imbuvables dans le lot, reste quand meme agreable, aerant disons.
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A
C'est le bordel pour plein de monde. Autour de moi, dans le cercle de mes amis, je ne connais personne qui est amoureux de son métier. Ah si. Peut être 2 personnes. Et dans le cas de l'une d'elles, et bien son boulot n'a absolument rien à voir avec ses 6 années d’études supérieures. L'autre a des horaires pas possibles (médecin). <br /> <br /> <br /> <br /> Quant à moi, comme tu le sais, j'ai le même statut que toi. Pour le moment, je me plains pas, ça marche pas mal. J'ai eu quelques moments difficiles mais j'ai toujours su retomber sur mes pattes grâce à une commande providentielle. Mais le jour où j'y arriverai pas ? Il se passera quoi ? <br /> <br /> <br /> <br /> Je ne vois pour le moment que des avantages à mon statut pour des raisons que je vais pas évoquer ici, vu que c'est ton blog et pas le mien ^^ mais si je devais changer de voie, je saurai vraiment pas où aller. Des fois j'y réfléchis un peu. Ce qui m'énerve c'est le jugement des autres et le mépris des salariés qui comprennent pas toujours qu'on peut bosser sans avoir le même statut qu'eux. Car je considère que j'ai un vrai métier. et j'emmerde joyeusement ceux qui disent le contraire. <br /> <br /> <br /> <br /> Tout ça pour dire que si tu en es à fantasmer sur 1000 euros mensuels, c'est qu'il est temps de changer de job. Même quelque chose qui te plait pas à 100% t'aidera à avoir une vie plus belle et des comptes bancaires plus remplis. Et puis on est jamais à l'abri d'une bonne surprise. Et de belles rencontres (même si mon esprit cynique y croit à moitié!!!). Et si tes proches te font de telles réflexions, c'est parce qu'ils sentent que tu n'es pas heureuse comme ça, c'est un signe !
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K
C'est flippant de voir les points communs. Ta vision des autres qui avancent pendant qu'on reste à pedaler dans la semoule. <br /> <br /> Ou j'en suis ? 30 ans en formation pour la deuxième fois pour un métier que je ne suis pas sur d aimer sur le long terme. En cas d échec j arrive en fin de droits anpe. Je n arrive pas a voir d avenir derrière. Chaque fois que je découvre un milieu professionnel différent je ne vois que les mauvais côtés qui sont toujours humains.<br /> <br /> Pour conclure et je sais pas si c'est rassurant t'es pas la seule dans le brouillard.
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L
J'ai mis pas loin de 10 ans à trouver une place qui me plaise vraiment. Aujourd'hui mon taf me plait, je suis entouré d'une petite équipe sympa et ma supérieure hiérarchique est une crème. Je n'ai pas à me plaindre :)<br /> <br /> <br /> <br /> L'essentiel c'est de ne pas trouver un boulot où tu irais en traînant des pieds. Vaut mieux s'éclater pour 1000 € que de s'emmerder comme un rat crevé pour le double... Le soir tu rentres en paix avec toi même, ça n'a pas de prix !
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D
Alors moi je n'aime pas mes collègues comme tu le sais :) Mais je suis particulièrement mal tombée et heureusement, cela ne se passe pas comme ça partout. Si ta situation financière t'inquiète vraiment, je te conseille de chercher un job et de garder l'activité auto-entreprise en "à côté". L'un n'empêche pas l'autre, mais il y aura forcément un qui primera sur l'autre.<br /> <br /> Les lettres de refus et les "fuck", j'en ai eu des dizaines mais ça rend plus fort et c'est en persévérant qu'on trouve quelque chose ; pas forcément un plein temps en CDI mais au moins une expérience.<br /> <br /> Je ne vais pas faire un roman sur ma vie, mais j'ai un DUT Carrières Juridiques et quand j'ai vu la gueule du marché de l'emploi pour les assistantes juridiques dans mon département, (en gros ils demandent bac + 8 pour être secrétaire et 44 ans d'expérience), bref je me suis dit qu'ils aillent se faire mettre et je me suis tournée vers du secrétariat "classique" pour acquérir de l'expérience. Quelques dizaines de refus, de vents et de doigts dans le rectum plus tard, une orthodontiste m'a donné une chance d'acquérir une première expérience de secrétaire médicale pour un congé maternité. Deux ans plus tard, je suis toujours dans la même branche et je vais passer le diplôme d'assistante dentaire. Je n'étais pas du tout partie pour ça, mais ce sont les hasards de la vie et les occasions qui ont fait ça. Mon poste actuel je l'ai trouvé en envoyant des candidatures spontanées dans tout le département ; bon certes c'est pourri mais au moins je vais en sortir avec le diplôme d'assistante et 2 ans d'expérience.<br /> <br /> <br /> <br /> Bref tout ça pour te dire (je suis désolée pour le roman :p), que même si tu te sens complètement perdue, il suffit d'une fois, un seul "oui", même si c'est juste un CDD, pour trouver quelque chose, et pourquoi pas un taff auquel tu n'aurais jamais pensé avant. Vu comme tu as l'air d'angoisser pour tes finances, tu devrais peut-être aller dans cette voie ; même quelques heures par semaine dans un premier temps. Ca mettra du beurre dans les épinards et puis ça te fera du bien de voir d'autres personnes, même des Brigittes ;)
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R
c'est l'inverse pour moi j'ai un salaire fixe mais pas de boulot fixe. On verra ce que l'avenir nous dira. Je suis très loin de détester ce que je fais, je ne regrette ni mon choix d'étude ni mon choix de boulot. Il y a tjs des contrariétés mais je suis d'une naturel optimiste. Si un jour cela ne me plait plus j'ai assez de bagage pour voir ailleurs.<br /> <br /> <br /> <br /> Pour le moment mon rêve c'est d'acheter ma propre maison, ce sera peut être possible cette année, je le saurais dans un mois... Mes envies ne disparaissent pas avec le boulot, bien au contraire. La réalisation par contre peut être différée :)
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