L'oeuvre au noir de Marguerite Yourcenar, 8/42
Bien naïvement j'ai cru que lire L'oeuvre au noir serait facile et rapide. Ce roman de Marguerite Yourcenar est paru en 1968 et nous raconte l'incroyable vie de Zénon. Personnage imaginaire à la fois clerc, médecin, philosophe et alchimiste, Zénon parcourt l'Europe au XVIème siècle, période charnière entre le Moyen-Âge et la Renaissance. Très intéressé par la chirurgie, l'étude du corps humain, ses mystères, ses maladies, il est aussi un grand humaniste et il n'aura de cesse d'assumer ses choix d'homme de science tout au long de sa vie, même si pour cela il doit aller en prison. Car c'est une période sombre pour les libres-penseurs, la médecine est encore mal considérée et la présence de l'Eglise très puissante. Dans L'oeuvre au noir, le lecteur suit Zénon de sa naissance à sa mort, dans un récit divisé entre trois grandes parties : La vie errante, La vie immobile et La prison.
En commençant L'oeuvre au noir, je ne m'attendais pas à un tel niveau de complexité et j'ai du plus d'une fois relire certains passages tant les réflexions théologiques sont nombreuses, notamment lors des chapitres L'abîme et L'acte d'accusation. La plume de Yourcenar est d'une qualité parfaite, je n'y reviendrais pas, à tel point que je ne me sens pas vraiment à la hauteur pour donner mon avis sur ce roman. Néanmoins, le résumé vend l'achimie comme thème principal, le titre désigne en effet la première étape pour atteindre le grand oeuvre, c'est-à-dire la transformation du plomb en or ou la création de la pierre philosophale. Le résumé n'est pas menteur mais il est finalement peu question d'alchimie dans ce roman, je m'attendais à me retrouver confrontée aux tentatives de Zénon, aux explications sur les procédés utilisés et ce n'est pas le cas.
Cette quête initiatique parle davantage de la situation historique de l'époque - de bonnes connaissances permettent sans doute une lecture plus aisée - du combat des médecins pour guérir toujours plus de patients notamment en s'essayant à la chirurgie, avec la pratique des autopsies pour une meilleure compréhension du corps humain, des réformes des religions, de l'organisation politique et du monde qui est en train de voir le jour ; Zénon, largement en avance sur son temps, se fera de nombreux ennemis et vivra quasiment toujours dans la peur.
J'ai largement préféré les passages d'action que de réflexion qui sont beaucoup plus à ma portée, même si la qualité d'écriture de Marguerite Yourcenar était là, j'ai bien failli lâcher l'histoire en cours de route par moments...
Sans aucun doute, le roman des cinquante livres du siècle le plus complexe que j'ai lu jusqu'à aujourd'hui.
J'ai lu au total 8 livres sur les 42 manquants dont deux que je n'ai pas encore chroniqué : L'étranger d'Albert Camus (et number one de la liste) et Thérèse Desqueyroux de François Mauriac.