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Revoir un Printemps
8 juillet 2014

Reflex de Maud Mayeras

Après avoir découvert et apprécié 6 nouveaux auteurs (Karine Giebel, Sire Cédric, Camilla Lackberg, Thomas H. Cook, Zoran Drvenkar, Olivier Barde-Cabuçon) , rencontré 3 déceptions, lu deux auteurs expérimentés (Thilliez et Chattam), lu un classique (Shining), ce challenge Thrillers et Polars m'aura fait vivre deux grands chocs littéraires. 
Le premier porte le nom de Reflex et a été écrit par la Limougeaude Maud Mayeras. 

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Iris est photographe pour l'identité judiciaire, elle est disponible tout le temps pour rejoindre son lieutenant Ian Reisse et les différentes scènes de crime. Un jour, un coup de fil la conduit dans sa ville maudite pour shooter un nouveau cadavre qui en rappelle un autre. Dans une chaleur étouffante, sur les traces de son enfance, de sa mère tyrannique, de son fils disparu, dans cette ville pleine de secrets et de mensonges, Iris va revenir et devra faire face à des monstres anciens et des cauchemars bien vivaces. 

Pour oublier son rire, j'ai tenté de comprendre ceux qui avaient cherché à l'effacer. Pour oublier son visage, j'en ai cherché d'autres plus abîmés. Pour oublier la douceur de sa peau, je me suis entourée de corps froids. Et pour oublier son odeur, j'ai choisi la puanteur de la mort.
On peut lire sur la toile que Reflex de Maud Mayeras fait l'effet d'un uppercut, et ce n'est vraiment pas usurpé. Une grande claque, un choc sourd, violent qui laisse pantelant, essouflé comme si l'on avait couru un marathon, c'est ce qu'on ressent une fois Reflex refermé. A dire vrai, je n'ai pas pu le refermer immédiatement, je l'avais entre les mains, je le tenais à peine tellement j'étais soufflée et ailleurs. J'ai feuilleté les pages et revu toute l'histoire sous un nouvel angle. Il y a longtemps que je n'avais pas subi un tel choc. 

Reflex nous raconte donc le retour, dans sa ville natale, d'Iris. Célibataire, professionnelle, elle shoote sans état d'âmes, les cadavres et les scènes de crime, elle fait son travail proprement sans vouloir plus. Revenue dans cette cité sans nom, elle réintègre la maison familiale, abandonnée depuis que sa despotique de mère est à l'asile et va revivre son enfance, tenter de percer le voile sur le meurtre de son fils, réveillé par un crime semblable. Mais ce qu'elle va découvrir ira bien au-delà de ce qu'elle imaginait. 

Dans le même temps, l'auteur nous renvoie dans le temps, en 1919, au moment où Julie Carville, après avoir été sauvagemment violée, est rejetée par sa famille et tout le village. Elle finit dans un couvent dirigé d'une main de fer par des religieuses, plus sévères que tendres. Son enfant y est né, Lucie, et son histoire ponctuera le roman par des chapitres dénommés - Silence -
La construction du roman se fait en plusieurs parties, débutant par 4021 jours, entrecoupé de parties - Silence - Le gros de l'histoire est racontée au présent et à la première personne et beaucoup de chapitres commencent par "Je n'aime pas..."
Je craignais un peu le récit à la première personne mais finalement Maud Mayeras réussit cela aussi bien que le reste. Sa plume, absolument parfaite du début à la fin, nous fait entrer totalement dans la vie, dans la mémoire d'Iris. On est avec elle, on la suit comme une ombre. C'est poétique, délicat malgré la dureté et la souffrance qui se dégage de l'ensemble du livre. Une plongée brutale dans l'âme humaine où Mayeras crée des personnages profonds et bouleversants, sombres, très sombres. Une psychologie des personnages maîtrisée comme rarement qui atteint le lecteur, bourré d'empathie, au plus profond. Iris est un personnage travaillé, mère et fille en souffrance, bègue, qui conduit une Superduke, une moto KTM, avec un métier peu exploité dans les romans policiers.
La chaleur complète la sensation oppressante et pesante, cette moiteur, on la sent, elle nous colle, elle nous fait transpirer. Il arr
ive parfois qu'un lieu soit tellement présent dans un roman qu'il en devient un personnage à part entière, dans Reflex, c'est la chaleur qui endosse ce rôle, une sensation qui devient vivante.

Sans oublier une intrigue complexe, perverse, indétectable, un suspense qui va crescendo, où tous les éléments ne se mettront pas en place avant la fin. On a beau imaginer ou deviner, on est loin du compte... 

Il ne m'a pas fallu deux jours pour remonter le temps et vivre l'histoire d'Iris. Ce livre est un petit bijou, une petite bombe de noirceur parsemé de morceaux de rock déchaînés. 

Je n'aime pas les lueurs vives du matin, celles qui rendent vos peurs moins visibles. Elles les planquent jusqu'à la nuit tombée, où elles vous abandonnent avec délectation à vos terreurs délaissées. 
Je n'aime pas le bruit de mes pas sur les pavés secs. Cet autre cœur qui fait semblant de battre près de moi et qui n'existe pas.

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Commentaires
Y
Oh que ça me fait plaisir de lire ton si bel avis, si juste et si parlant.<br /> <br /> Pour moi ce roman est un immense chef d'oeuvre et tu en parles magnifiquement :-). Ce n'est effectivement pas juste un thriller sombre, mais aussi un roman incroyablement émouvant.<br /> <br /> Merci de propager la bonne parole avec nous autres precedents lecteurs :-)
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L
Il va vraiment falloir que je me penche sur le cas de cette auteure... Je sens que je vais adorer
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