La Famille, quelle plaie
Ma famille, elle a deux faces. Comme tout le monde me direz-vous, mais eux c'est particulier. Particulier sûrement parce que c'est ma famille. Je ne sais plus sur quel pied danser, je suis désespérée.
Avant quand j'étais ado, au lycée, ça s'passait plutôt mal, très mal des fois même. Du genre à faire des crises de nerfs à rester enfermée dans ma salle de bains des heures à pleurer toutes les larmes de mon corps et à pousser des cris de folle. Des fois je me suis fait peur, j'ai cru que je m'en remettrais pas et que j'allais crever comme ça, étouffée par mes sanglots. Et puis les disputes avec mon père quand elles dégénéraient, valait mieux savoir courir vite. La salle de bains, c'est un peu mon refuge quand ça allait pas je m'y enfermais. Parce que quand je le faisais dans ma chambre, ma mère avait la trouille que je fasse une connerie, genre me foutre en l'air. Mais dans la salle de bains, je pouvais faire croire que je me lavais ou autre. J'y avais caché mon walkman et un cahier pour écrire. J'y étais bien.
Je me souviens d'une fois, on parlait philo à table. J'étais en terminale, nulle en philo et extrêmement susceptible quand on me donne tort, mon père a fait un bac scientifique, à son époque la philo n'était pas au programme, il n'en a donc jamais fait de toute sa vie. On parlait donc du plan du commentaire et de la dissertation que j'avais appris le jour même. J'étais nulle d'accord mais pas conne. Je lui affirmais avec justesse le contenu d'un des deux éléments et lui me soutenait du contraire. Moi je savais que c'était juste ce que je disais. Lui évidemment me donnait tort, et affirmait haut et fort que c'était lui qui avait raison. Evidemment ça a commencé à chauffer. Evidemment ça a commencé à crier. Et j'ai vu le signal du départ, quand il devient trop rouge et qu'il ne tient plus sur sa chaise. Là, il faut partir, sinon c'est trop tard. Les autres fois, je partais en courant, traversait ma chambre et allait m'enfermer dans la salle de bains. Evidemment il tambourinait comme un malade en hurlant pendant 10 minutes puis finissait par s'en aller. Quand je me mettais à courir, je le sentais juste derrière moi courant lui aussi, je savais qu'une chute ou un virage mal négocié me serait fatal. Cette fois-ci, je n'ais pas été assez rapide, je suis partie ms j'ai été très vite rattrapé. Il m'a attrapé par le bras, retourné puis agrippé par la gorge. Il me serrait et m'a soulevé de terre. Je regardais son visage rouge, explosif, les yeux injectés, et je lui hurlais "mais vas-y étrangles moi, tues moi vas-y je sais que t'attends que ça !!". Ma mère est rapidement intervenue et nous a séparés. Je ne sais plus très bien ce qui s'est passé après, j'ai du me prostré dans ma chambre et appeler une amie. Je ne sais plus.
Aujourd'hui quand j'en parle à ma mère, elle me regarde horrifiée et me dit : "oh mes grands dieux, non, il ne t'a pas étranglé tu divagues, t'es complètement folle". Soit je suis folle. Soit.
Enfin tout ça pour dire que rien n'a vraiment changé depuis. Depuis je suis partie de chez moi mais j'y reviens souvent. Depuis ma sœur a grandit et c'est un nouvel élément à prendre en compte. Depuis.
Certes il ne me court plus après. Mais il crie toujours autant et me donne toujours tort. Toujours. Ça ne changera jamais. Il n'a pas changé, j'ai évidemment toujours tort quand je relate un événement ou que j'affirme qu'il s'est passé cela ou ceci. Evidement j'ai toujours tort quand je dis que ma sœur me traite comme une merde. Evidemment j'ai toujours tort quand je dis qu'il m'a engueulé ce matin. Evidemment j'ai encore tort quand je dis, enfait quelque soit ce que je dis j'ai tort de toutes façons. Il s'arrange toujours pour me faire culpabiliser. "C'est toi qui a dis ça", "c'est toi qui a été désagréable quand je suis arrivé", "c'est toi qui", "c'est toi", c'est toujours moi.
Alors en fait oui peut-être que c'est moi, peut-être que c'est toujours moi. Peut-être que je suis coupable. Une sale coupable. Connasse.
Je ne veux plus de ça, je ne sais plus quoi faire, ils me tapent sur le système. Tous les 3 cette magnifique petite famille dont je ne fais plus partie. Ils sont tellement bien tous les 3. Quand j'arrive, je les dérange, je suis là, l'intruse. Ils me le font bien sentir. D'ailleurs ma chambre n'est plus vraiment mienne, une sorte d'annexe où on entrepose des choses. D'ailleurs je n'ai plus droit à rien. D'ailleurs la télé faut pas que je la regarde. Parce que le matin c'est pour ma sœur, à 13h pour mes parents, le soir avant le repas encore pour ma sœur et le soir après pour mes parents. Alors forcément après on s'étonne que je la regarde la nuit. Moi ça m'étonne pas. Par contre, les lessives je dois les étendre, le lave-vaisselle je dois le vider, la salle de bains la nettoyer et ma chambre la ranger. Je suis pas Cosette certes. Mais quand je vois que je suis la seule à le faire – hormis ma mère, j'ai un peu les boules. Ma sœur fait tout ce qu'elle veut, comme elle veut. Passe outre les interdictions, les punitions, ne fais pas ce qu'on lui demande. Me méprise, me parle comme un chien, m'insulte, me regarde avec son petit rictus mauvais au coin des lèvres, ça pue le mépris et la domination à 3 francs. Elle se la joue grande et je me sens ado. Et elle en jouit. Exulte quand je me fais jeter alors qu'elle est à l'origine de tout, exulte quand elle me parle mal devant les parents et que je leur fais remarquer et qu'ils me répondent "on ne veut pas d'histoire". C'est sur, c'est tellement plus facile de choisir la facilité ! Et ce même au détriment de quelqu'un. Ils n'en ont rien à foutre.
Comme ils ne veulent pas d'emmerdes, ils ne lui disent rien. Comme moi ça me fait chier, je râle. Comme ça les emmerde que je râle, je me fais engueuler. Comme ça me fait chier de me faire engueuler à tort, je pars. Comme ça ils sont contents. Et ma sœur jouit. Et moi je meurs.
Oui je me plains, oui je suis énervée, oui je parle mal.
Mais je suis surtout désespérée, lasse. Je ne tiendrais pas 2 mois. C'est certain. Je ne sais plus quoi faire, j'ai déjà tout essayé. Tout ce qu'on m'a conseillé, comment faire, comment les prendre, comment répondre. Il y a bien la solution de facilité : se la boucler. Mais j'y arrive pas, trop impulsive pour. Je garde, je garde et au bout de 3 jours ça doit sortir, du coup ça explose.
2 mois, c'est long, très long, vraiment très très long.
Je sais même pas si d'avoir écrit tout ça, m'a fait du bien. Je me suis excitée sur le clavier. J'ai dérivé. Je voudrais partir. M'en aller. Fuir. Disparaître.
Comment faire. Comment.
Y a deux mots actuellement dans mon esprit : Désespoir et Comment.
2 mois… putain. 2 mois…