Se noyer là, où en fait on avait pied
Après avoir déménagé toutes mes affaires amassées en six années, je vais devoir vider la chambre que j’ai occupée pendant vingt ans.
Ah là c’est sûr que les proportions ne sont plus les mêmes. Et je ne cesse d’y penser. De penser aux choses que je vais devoir sacrifier, aux affaires que je n’emmènerais pas avec moi et qui finiront dans deux cartons au fond d’une armoire dans une pièce qui sera à la fois chambre d’amis et bureau.
Je ne préfère pas penser à ces cartons. Je ne veux pas y penser parce que la souffrance est toujours vive.
Et je lutte contre les sentiments qui me submergent pour faire face.
Pour montrer que je suis forte et que j’accepte que ma part d’enfance, d’adolescence est morte avec cette pièce que je quitte.
Ces sentiments que personne ne comprend.
On pourrait croire que ça remet en cause l’installation avec mon copain, mais non. C’est en parallèle. En fait je n’avais jamais réfléchi au fait que je perdrais cette chambre.
C’est pour ça que c’est douloureux. Peut-être que je pars trop loin dans mon délire. Après tout ce n’est qu’une pièce dans une maison.
J’en fais trop et je radote.
Mais en me réveillant en sursaut, prise d’une angoisse matinale, qui a insufflé une boule dans mon ventre et dans mon esprit, j’ai eu envie de mordre très fort le drap et de laisser couler mes larmes.
Je ne comprends pas cette tristesse si forte que je ressens, je ne l’explique pas, je ne sais pas d’où elle vient. Ma mère m’a demandé comment j’aurais voulu que ça se passe, et je ne suis pas capable de lui répondre.
Depuis j’ai commencé à vider mes affaires, à ramener mes habits, mes livres. Il reste encore beaucoup beaucoup de choses. D’ailleurs, aujourd’hui en remplissant mon sac, j’ai eu envie de tout en apporter d’un coup. Que ça y est, ce soit terminé. Que je tourne cette page et que ma sœur finisse d’investir les lieux. D’ailleurs niveau délicatesse et galanterie, elle a encore bien du chemin à faire. Pas un mot de remerciement, ni une parole gentille. Et pire, elle a décidé de s’y installer avant même que je sois complètement partie et que j’ai enlevé mes affaires. C’est pas très propre et je me sens bel et bien chassée. Je sens que je suis de trop pour elle, qu’il y a trop de moi encore, trop de mes affaires (qu’elle ne s’empêche pas de s’approprier au passage).
Pas une seconde, elle ne s’est demandée ce que ça pouvait me faire, ni ce que je ressentais. Elle aurait pu dire « prends ton temps pour enlever tes affaires, je ne suis pas pressée. » ou « ça te fait pas trop de peine de laisser la chambre ». Des trucs sans originalité soit mais qui aurait montré qu’elle s’intéressait à ce que ça pouvait me faire.
L’envie de tout débarrasser est décuplée par son attitude.
Plus vite ce sera fait, mieux je me sentirais (enfin j’espère).
Pouvoir mettre un point final à la phrase.