Belle et...
Ça fait presque deux mois que, tous les matins, devant le lycée où j’attends le bus, je croise pas mal de spécimens de la jeunesse d’aujourd’hui. J’essaye de ne pas trop m’attarder dessus, parce qu’à 7h30 je suis trop crevée pour m’énerver.
Et puis il y a eu un matin où Elle est arrivée. D’instinct j’ai su qu’elle n’allait pas dans ce lycée, bien trop populaire et peu bourgeois pour sa personne. Plus haut, y a le lycée privée des gosses de riches, c’est là qu’elle va.
Il était tôt et il ne faisait pas encore jour, elle avait ses cheveux blonds ramenés sur son épaule droite, une large mèche à la mode masquait sa paupière. Je l’ai regardée.
Elle était grande, bien plus grande que moi sans pour autant être une géante, élancée, classe. Il faisait froid mais elle ne portait que des vêtements légers, petit haut, petite veste à larges manches, slim et bottines, sac à main au creux du coude et doigts en extension ridicule vers le ciel. On aurait dit une caricature de la page mode d’un magazine « comment vous habillez pour l’automne avec 50 500€ ? » Ça sentait la marque, le (très) cher.
Elle a 17 ans mais elle a l’air d’en faire 25.
J’en ai 25 mais je me sens comme si j’en avais 13.
Mal habillée, petite, pas fashion pour un centime. Je me dévalorise. C’est clair. Mais quand je la vois le matin, teint et peau parfaits, yeux en éveil, ongles manucurés c'est sûr qu'elle ne doit pas beaucoup s'en servir à part pour taper sur son iphone/ipod/blackberry/ipad/windows mobile/smartphone (au choix) ; et que moi je n’ai qu’une envie c’est d’aller me recoucher et cacher ma tronche (et mes boutons) au monde entier. Ça fait franchement pas plaisir.
J’ai toujours été petite, c’est une réalité. J’ai subi des remarques fort lourdes et de moins en moins blessantes (à force on finit par ne plus entendre), puis je me suis habituée. Mais depuis peu, cette taille revient me hanter. J’ai l’impression que je ne ferais jamais femme, que l’image que j’enverrais aux autres sera toujours celle d’une ado. Ce n’est qu’en partie vrai, je le sais. Je mets des bijoux, un peu de talons, des robes, des hauts sympas. Mais je trouve que rien ne (me)va, que quoi je mette, je suis toujours quelconque quand ce genre de filles se trouve dans les parages (ou pas d'ailleurs).
D’un coup je me sens devenir invisible. Et tous les matins ça commence ça faire beaucoup, à faire lourd, à peser sur la conscience et l’inconscient. A me complexer.
Pourtant cette fille n’a pas l’air sympa, avec sa parfaitetitude elle dégage une distance avec le peuple, genre « ne m’approchez pas vauriens », hautaine certes grande et classe. Je ne crois pas que je serais hautaine mais ce qui est certain c’est que je ne serais jamais grande et classe.
Encore un mois à la croiser au début de mes journées…