Ceci n'est pas un homme
Depuis maintenant sept mois qu'on se le tape tous les week-ends, ainsi que toutes les vacances, j'en suis arrivée à le considérer comme une plante verte. En effet, on ne peut même pas dire de lui que c'est un pique-assiette car il ne mange et ne boit presque rien. Ce n'est même pas un bon vivant.
En revanche, il est là, assis, un peu voûté. Immobile. Si-len-cieux. La famille lui pose des questions, il baisse les yeux et ricane bêtement. Il est là, vaguement vivant, inerte. Une plante verte. Un élément du décor, comme un tableau immonde dans le salon familial qu'on arriverait à oublier tellement on le voit à la même place depuis si longtemps. C'est la même chose qui se reproduit, depuis cet été, à chaque rencontre. Au début, on pouvait dire "il est timide" mais là, on ne peut qu'être consterné de ne constater aucune évolution, aucune motivation de sa part. Pourtant, j'ai essayé de repartir de zéro, d'oublier mon avis, de me dire que j'exagérais, que je déformais la situation, que j'en rajoutais ; et puis je me fais neutre avant de le (re)voir et je repars avec les mêmes idées, les mêmes pensées sur lui.
C'est une plante verte et s'il n'était pas là, ça serait strictement pareil. C'est d'ailleurs ce qui s'est plus ou moins passé la dernière fois. Jusqu'à maintenant, tout le monde faisait l'effort de lui parler, de l'interroger, de le faire participer, de l'intégrer (ben oui on est pas des sauvages ^^) mais l'autre fois, personne n'a fait d'effort vu qu'ils ont toujours été vains. Il a dû trouver la soirée relativement calme et a pu adopter son attitude favorite : je ne parle pas, on sait jamais.
J'ai décidé de ne plus le considérer, du moins pas autrement que s'il était une plante verte. Mais il reste néanmoins une question qui m'occupe l'esprit : a-t-il cette attitude avec notre famille parce qu'il est extrêmement asocial et profondément timide et reclus ou est-ce parce qu'il se croit tellement plus intelligent que nous qui n'avons que des conversations familiales, rigolotes, parfois sérieuses, mais jamais profondément scientifiques sur le génome humaine, la grandeur de l'univers ou la théorie de la relativité ?
Pour ma famille, j'espère que c'est la première. Mais pour ma sœur, que ce soit l'une ou l'autre, c'est relativement désespérant.